Les systèmes d’information mondiaux de Pirelli
La stratégie repose sur l’accès à l’information et la nécessité d’y réagir très rapidement.
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Ce texte est le dernier d’une série de 3 études de cas pour mieux comprendre le rôle des systèmes d’information dans l’entreprise. Pour plus d’informations, veuillez consulter L’avantage des systèmes d’information de Sears ou La gestion des opérations de la chaîne logistique d’Heineken.
Au début des années 90, Pirelli est victime d’une économie mondiale chancelante. Les ventes mondiales du secteur de l’automobile, des télécommunications et de l’énergie sont à la baisse, ce qui fait chuter les ventes des pneus et des câbles électriques — les deux principales lignes de produits de Pirelli. L’équipe de la direction doit rapidement réagir pour faire augmenter la rentabilité de l’entreprise. La stratégie repose sur l’accès à l’information et la nécessité d’y réagir très rapidement.
Identification des problèmes des systèmes de Pirelli
Le problème principal des systèmes de Pirelli est un problème d’accès à l’information. L’information devrait avoir un rôle central dans l’entreprise, mais on ne peut pas y accéder rapidement de façon décentralisée. D’une part, le siège social ne peut pas accéder à l’information de ses constituantes. D’autre part, les constituantes ne peuvent pas accéder à l’information du siège social ou bien communiquer entre elles. Les systèmes d’information de Pirelli sont fermés et leur structure est locale alors que c’est une entreprise internationale, ce qui défavorise la mise en commun des expertises de chaque constituante, limite la compréhension des dirigeants des performances de l’entreprise et diminue le temps de réaction pour prendre des décisions et déployer des stratégies à l’échelle globale de l’entreprise.
Le manque de stratégies pour normaliser les informations et standardiser les technologies dans chaque unité nationale rend l’entreprise moins efficiente. Les dédoublements des technologies et des systèmes de gestion occasionnent des coûts de développement et de maintient plus élevés qu’ils ne devraient l’être.
Facteurs sur le plan de la gestion qui ont généré ces problèmes
Les systèmes de Pirelli ont été développés localement pour répondre à des problématiques de gestion et de planification locales. Pirelli est une organisation multinationale qui est contrôlée et gérée localement. Il semble que l’entreprise ne se soit jamais posé la question de savoir ce qui peut être géré à l’échelle mondiale et ce qui doit être géré à l’échelle nationale. L’entreprise ne possède pas de normes internationales pour standardiser la gestion des opérations, du développement, du marketing et des ventes de ses unités nationales. C’est ainsi que le pouvoir des décisions locales à plus de poids que le pouvoir décisionnel du siège social central.
Les techniques de gestion en silo que pratique les unités nationales de Pirelli fractionnent inutilement les tâches que l’organisation doit accomplir et l’empêche de profiter de la force globale de l’expertise de ses constituantes. C’est ultimement une mauvaise gestion du savoir organisationnel qui empêche les systèmes d’informations de Pirelli d’être aussi performants qu’ils pourraient l’être.
Facteurs sur le plan de l’organisation qui ont généré ces problèmes
Pirelli est une organisation multinationale qui évolue dans un environnement décentralisé. Elle possède des ramifications dans 14 pays qui possèdent des langues, des lois et des devises différentes. Il est très difficile pour l’organisation d’harmoniser les différences spécifiques de l’environnement de chaque constituante avec un standard central, sans devenir trop rigide et moins compétitive.
Le siège social manque de leadership. Puisqu’il connaît mal ses constituantes, il est très mal placé pour les aider à maximiser leurs opérations. Ce manque de leadership renforce une culture d’entreprise locale plutôt que globale. L’organisation est cloisonnée. Le siège social est coupé de ses constituantes et les unités nationales ne sont pas reliées au siège social. De plus, les constituantes ne sont pas reliées entre elles.
Facteurs sur le plan de la technologie qui ont généré ces problèmes
Pirelli ne possède pas de réseau mondial pour relier l’ensemble de ses constituantes. Il est donc très difficile de communiquer des données et des informations d’un site à un autre ou même d’avoir une vision globale des opérations de l’entreprise.
Le matériel et les logiciels ne sont pas les mêmes dans toute l’organisation. Cette disparité entraîne des coûts technologiques plus élevés qu’ils ne devraient l’être tout en nuisant à la mise en place de standards pour faciliter la communication et l’accès à l’information à l’échelle de l’entreprise. De plus, l’entreprise ne possède pas de logiciels intégrés pour harmoniser la gestion de ses opérations dans l’ensemble de ses constituantes. Les logiciels pour gérer la production, les développements, les ventes, les achats, le marketing et le personnel ne sont pas normalisés dans toute l’entreprise.
Quels critères utiliserez-vous pour déterminer les applications mondiales ou locales à mettre en place?
Pour déterminer quelles applications il faut mettre en place mondialement et localement dans l’entreprise, j’utiliserais un système de pointage en deux phases. La première phase servirait à déterminer théoriquement les applications qui répondent le mieux aux besoins de l’entreprise, et la deuxième phase servirait à valider ce choix dans la pratique. Dans la première phase, les directeurs du siège social de Pirelli et de l’ensemble de ses unités nationales procéderaient à l’évaluation des différentes applications en utilisant une grille de critères pour noter chaque application. Les applications qui obtiendraient les scores les plus élevés seraient sélectionnées pour la deuxième phase de l’évaluation.
Phase 1 : les critères théoriques
Au niveau du produit en tant que tel, il serait important de considérer des critères comme la rapidité de la mise en place des nouvelles technologies, la facilité de la migration technologique, la compatibilité des nouveaux systèmes ou des nouvelles applications avec les anciens systèmes, la maturité et la stabilité des nouvelles solutions, ainsi que la vitalité de leurs développements. Il serait aussi très important de considérer la souplesse des applications, c’est-à-dire la facilité avec laquelle elles peuvent être adaptées aux différentes réalités des unités nationales. Même si les nouvelles applications ont pour but d’aider l’entreprise à normaliser ses systèmes d’information, il ne faut pas qu’ils soient trop rigides et qu’ils imposent des manières de faire aux unités nationales. Finalement, puisque Pirelli traverse une période financière creuse, il faudrait aussi évaluer le coût des différentes applications.
Au niveau des fournisseurs des produits, il serait important de considérer des critères comme la qualité de leur support à la clientèle, la qualité et la quantité de la documentation de leurs applications et le fait que leurs produits et leurs services soient offerts dans la langue de chaque unité nationale. La notoriété des fournisseurs, leur expertise et leur nombre d’années d’expérience devraient aussi être considérés, tout comme leur nombre de clients et la santé de leurs états financiers.
Il serait aussi important de considérer le nombre d’heures de formations nécessaire pour que les ressources humaines soient en mesure d’utiliser les nouveaux logiciels. Jusqu’à quel point les applications seraient-elles amenées à changer les méthodes de travail des différentes fonctions de l’entreprise? Dans le même sens, le maintien de ces systèmes nécessiterait-il de nouvelles compétences de la part du groupe des technologies de l’information? Quels seraient les coûts du maintien des nouvelles applications?
Phase 2 : les critères pratiques
Les critères de la deuxième phase de l’évaluation serviraient à valider les choix théoriques de la première phase dans la pratique. Pour se faire, quelques projets pilotes ciblés seraient déployés grâce auxquels le siège social et les unités nationales seraient en mesure de déterminer la souplesse et les bénéfices des nouvelles applications.
Les projets pilotes permettraient non seulement de valider la facilité de mettre en place les nouveaux logiciels ainsi que de centraliser et de normaliser les systèmes d’information d’une unité nationale avec le siège social, mais aussi de vérifier si les applications répondent bien au besoin de l’entreprise d’accroître rapidement sa rentabilité. Des critères comme la diminution du coût des opérations, l’accès plus rapide à l’information, la rapidité des prises de décisions, la capacité de mieux répondre aux besoins des clients ou de développer de meilleurs produits seraient évalués afin de déterminer si les nouvelles applications donnent véritablement un avantage compétitif à l’organisation à l’échelle locale et s’il vaut la peine de les déployer à l’échelle mondiale.
La photo provient du calendrier Pirelli de 1990, trouvé sur le site officiel de Pirelli calendar