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Motivation au travail et stéréotypes

Besoins, processus de travail, modes d’apprentissage et comportements. Dans quelle mesure l’âge d’un individu influence sa motivation au travail?

Publié le 8 minutes de lecture
Motivation au travail et stéréotypes - kinaze
Motivation au travail et stéréotypes - kinaze
Table des matières

Nos besoins, nos processus de travail, nos modes d’apprentissage et nos comportements influencent notre motivation au travail. Il est clair que ces facteurs sont subjectifs et varient d’un individu à l’autre selon sa culture et son éducation. Mais dans quelle mesure l’âge d’un individu peut-il influencer sa motivation au travail?

Les besoins

L’âge peut influencer indirectement les besoins d’un individu au travail. Plus on vieillit, par exemple, et plus il peut être réconfortant d’avoir une sécurité au travail. Quand je dis que cette influence est indirecte, je veux dire que l’âge peut influencer nos besoins, mais n’en est pas la cause intrinsèque : il est possible qu’une personne plus vieille ne recherche pas la sécurité au travail. Ce sont plutôt des facteurs subjectifs et culturels qui influencent nos besoins comme la sécurité, l’estime de soi ou la réalisation personnelle (Maslow), tout comme nos préférences pour l’affiliation, le pouvoir ou l’accomplissement (McClelland). C’est ce qui fait qu’un baby-boomer et un membre de la génération Y peuvent ressentir le même besoin de pouvoir malgré leurs différences d’âge. De la même façon, on pourrait penser à l’aide d’Herzberg que la génération X favorise des facteurs extrinsèques à la tâche (conditions de travail, salaire), alors que les baby-boomers favorisent des facteurs intrinsèques (responsabilités, défis), mais ce serait un stéréotype. Cette préférence est subjective et il sera toujours possible de trouver un baby-boomer qui favorise des facteurs extrinsèques à la tâche.

Du point de vue des besoins, la détermination des méthodes de motivation des membres d’une équipe ne passe pas par l’âge, mais plutôt par l’observation des caractères des membres de l’équipe. Peu importe leur âge, certains membres d’une équipe travaillent pour recevoir une paie, d’autres travaillent pour socialiser et d’autres travaillent parce qu’ils aiment ça. Ce sont ces facteurs qui devront être pris en compte dans l’exercice d’élaboration des tâches.

Les processus de travail

L’âge peut jouer un rôle direct dans les méthodes de motivation par processus et peut influencer la motivation au travail de façon intrinsèque. Prenons comme exemple le problème de l’équité d’Adams, selon lequel les gens ressentent un besoin de justice au travail. Souvent, les jeunes qui ont peu d’ancienneté ou peu d’expériences gagnent beaucoup moins d’argent que les plus vieux, même s’ils travaillent autant (ou plus). Jusqu’à un certain point, il est normal de rétribuer une plus grande expérience, mais à quel point cela devient-il un facteur de démotivation pour les plus jeunes?

Selon Locke, une personne qui décide d’atteindre un objectif règle son comportement afin d’atteindre cet objectif et selon Vroom, le fait de déterminer une tâche amène un individu à avoir des attentes plus élevées par rapport à la réalisation de celle-ci. Pour pouvoir être en mesure de déterminer des objectifs ou des tâches, une personne doit bénéficier d’une certaine autonomie décisionnelle, ce qui n’est pas toujours le cas pour un jeune qui n’a pas beaucoup d’années d’expérience. Le fait que les jeunes ne participent pas toujours à la détermination des objectifs qu’ils doivent atteindre ou à l’élaboration de leurs tâches peut dégénérer en problème motivationnel, compte tenu des personnalités et des besoins des jeunes. De plus, il est souvent courant de donner plus de tâches à des jeunes inexpérimentés plutôt qu’à des anciens plus expérimentés. Prenons le cas du système d’ancienneté des commissions scolaires du Québec. Selon ce système, une année d’enseignement équivaut à une année d’ancienneté. Plus on accumule d’ancienneté, plus les contrats qui nous sont offerts sont alléchants. En d’autres mots, un jeune diplômé inexpérimenté qui sort tout juste de l’Université se verra offrir des tâches pour lesquelles il n’est pas encore outillé et dont les objectifs sont difficilement réalisables, même pour un enseignement expérimenté. Une telle situation peut non seulement démotiver les jeunes enseignants, mais générer des problèmes sociaux qui auront des répercussions désastreuses sur la société.

L’âge joue définitivement un rôle dans les méthodes de motivations par processus des membres d’une équipe. Un dirigeant aura tout avantage à prendre en considération les attentes des employés moins expérimentés et de les faire participer au processus de conception des tâches et de détermination des objectifs. Il est important de comprendre que le niveau de participation des employés ne peut pas être le même dans toutes les organisations. Il sera plus difficile, par exemple, de faire participer un jeune employé d’une entreprise de production verticale qu’un jeune employé d’une entreprise horizontale de services. De plus, peu importe l’âge des employés, il pourra être plus avantageux pour les entreprises verticales de production, de contrer la démotivation des employés par rapport aux processus en mettant l’accent sur les besoins des individus comme l’accomplissement (mise en place de méthodes d’enrichissements des tâches selon Herzberg) ou la qualité de vie (horaire de travail flexible ou semaine de travail comprimée). Le problème d’équité comme la rémunération selon les compétences (les échelons salariaux) pourrait quant à lui être contourné directement par la mise en œuvre de méthodes de rémunération au rendement, d’augmentation au mérite ou de rétributions immédiates, et indirectement par la prise en charge des besoins d’accomplissement et de qualité de vie ou les témoignages d’appréciation.

Les modes apprentissage et les comportements

L’âge peut influencer directement nos modes d’apprentissage et nos comportements au travail.

Premièrement, plus une personne accumule de l’expérience au travail, plus elle est en mesure d’être outillée afin de comprendre les problèmes et de prendre les décisions efficaces pour les régler, et plus elle est apte à résoudre des problèmes complexes sans avoir besoin d’être stimulée pour le faire. À l’inverse, je pense que c’est plutôt la personnalité que l’âge qui influence la pertinence de mettre en place des méthodes de renforcement (Skinner) pour conditionner les jeunes qui n’ont pas beaucoup d’expérience à s’accomplir.

Deuxièmement, plus une personne est jeune, plus sa façon d’apprivoiser la vitesse des changements technologiques sera efficace. Les jeunes sont des natifs du digital alors que les plus vieux en sont les immigrants. Il n’est pas nécessaire de motiver les plus jeunes (surtout les membres de la génération Y) pour utiliser des technologies au travail. C’est même souvent le contraire qui se passe : les Y sont découragés par les modes de travail archaïques des baby-boomers ou des « vieux » X alors que les baby-boomers sont souvent dépassés par la vitesse fulgurante avec laquelle évoluent les technologies. Puisqu’ils ne sont pas des mutants du digital et que leurs méthodes de communications a été beaucoup plus été influencé par le FAX que par l’Internet, ils conservent un mode d’apprentissage plus passif qu’interactif et ne réagissent pas toujours aussi rapidement que les jeunes face aux incertitudes des marchés et à l’ajout imprévu de nouvelles variables dans un problème spécifique. Cette menace à l’expertise de leur expérience peut les amener à rejeter (renforcement négatif) ce qu’ils ne connaissent pas bien et à brimer l’organisation des bénéfices potentiels de l’influence des plus jeunes. À cet égard, combien d’entreprises bannissent encore l’utilisation de MSN messenger au travail, car c’est considéré comme une perte de temps? De plus, il n’est pas rare d’entendre un dirigeant expérimenté se dire que de toute façon, il ne lui reste que quelques années avant de prendre sa retraite alors à quoi bon de mettre à jour ses méthodes de travail (abstention).

Puisque les technologies influencent grandement nos modes d’apprentissage, il est très intéressant de constater que les jeunes sont beaucoup mieux outillés que les vieux pour faire face aux enjeux technologiques des organisations modernes même si ce sont les vieux qui en possèdent le savoir. En d’autres mots : les jeunes prennent des décisions rapidement alors que les vieux prennent les bonnes décisions. Pour favoriser la motivation des employés, un bon gestionnaire devra impérieusement planifier des tâches qui mettent à contribution le savoir des plus vieux et l’expertise technologique des plus jeunes. Pour ce faire, il sera important de créer des équipes multigénérationnelles et d’utiliser des méthodes de renforcement positif et des méthodes de motivation comme le rendement, le mérite, les rétributions immédiates, ou les témoignages d’appréciations afin de cimenter les liens de l’équipe. Ne pas se soucier d’habileté les employés pour faire face aux nouveaux modes d’apprentissage qu’entraînent les nombreux changements technologiques est très nuisible pour l’organisation, et favorise une insatisfaction généralisée tant chez les plus jeunes que chez les plus vieux.

Le danger des stéréotypes

Bien qu’il soit indéniable que l’âge est une variable qui influence la motivation d’un individu dans une organisation (surtout au niveau des processus, et des modes d’apprentissage), ce n’est qu’une variable parmi tant d’autres. La planification des tâches et d’un programme organisationnel de motivation doit nécessairement prendre en considération d’autres variables comme la personnalité, la culture, la nature de la tâche, ou l’environnement interne et externe de l’entreprise. Dire que les baby-boomers vivent pour travailler, que la génération X travaille pour vivre ou que la génération Y veut tout avoir sans travailler relève du stéréotype et non d’une analyse factuelle de la situation. Tout comme le fait de dire que les boomers préfèrent des tâches structurées et que les X préfèrent la considération et l’accomplissement personnel au travail. Le danger des stéréotypes est de faire glisser l’analyse de la situation dans une perspective subjective ou tout peut être vrai et faux, ce qui aveugle le gestionnaire sur la ou les véritables causes du problème.

La photo a été prise sur le blogue de Janet Clarey du Brendon Hall Research.

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