Morale, éthique et clonage
Selon l’angle choisi, l’individu pourra ou non être en accord avec le clonage et ses modes d’encadrements. Protéger la vie ou prévenir la mort?
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Il est important de comprendre la différence entre le concept de morale et le concept d’éthique. La morale est un impératif catégorique de tradition idéaliste qui a l’ambition de déterminer ce qui doit être. Plus pratique, l’éthique s’interroge sur comment améliorer le réel en tenant compte du bien-être de tous les individus qui forment une société. La morale fait référence à une norme absolue, universelle et inconditionnelle; c’est un ensemble de lois acceptées par une société en général. L’éthique est un concept pratique, relatif et conditionnel; elle se questionne sur la valeur de ces lois et cherche à établir les critères et les normes sur lesquels se fondent les décisions et les comportements d’une société ou d’un groupe d’individus.
De façon générale, l’attitude d’un individu quant au bien et au mal varie en fonction de son bagage culturel, de ses croyances religieuses, ainsi que des politiques, de l’économie et de l’avancement technologique de son pays. Par exemple, et de façon très stéréotypée, l’attitude de la société américaine relativement au bien et au mal est très différente de celle de la société québécoise. Dans le cas qui nous intéresse, un Américain pourrait s’opposer formellement au clonage, car, selon ses croyances religieuses, la vie est un cadeau de Dieu et résulte de l’union unique entre un homme et une femme. Selon cette optique, essayer d’intervenir dans le processus de la création de la vie est non seulement amoral, mais n’a rien à voir avec l’éthique. Moins idéaliste, un Québécois pourrait considérer la vie de façon un peu plus scientifique et la définir comme la résultante d’une équation chimique et d’un processus d’évolution chaotique. Dans ce contexte naturaliste, l’individu aura plutôt tendance à s’interroger sur les implications éthiques du clonage. Le résultat des analyses de ces implications l’aidera ensuite à se forger une idée de ce qui est moral et de ce qui ne l’est pas.
Selon l’angle choisi, l’individu pourra ou non être en accord avec le clonage et ses modes d’encadrements. Si l’individu met l’accent sur la vie, il peut argumenter que la recherche afin de cloner des embryons et en prélever des cellules souches est une bonne action, car elle permettrait de sauver des vies ou bien de diminuer les souffrances des personnes aux prises avec des maladies telles que la sclérose en plaques, le parkinson ou toute autre maladie dégénérative. Au contraire, si l’individu se place du côté de la mort, il pourra argumenter que la recherche afin de cloner des embryons et en prélever des cellules souches est une action potentiellement dangereuse, car sa finalité pourrait être de tuer en série des embryons. Est-il vraiment bien de sauver la vie au détriment d’une autre vie?
D’un point de vue comme de l’autre, les arguments sont convaincants : la norme peut-être la vie ou bien la mort et c’est irréconciliable (à moins, bien sûr, de légiférer sur l’âge auquel un embryon devient vivant ou bien sur la façon éthique de « récolter » des embryons…).
Une telle situation illustre bien le problème auquel font face les dirigeants des pays industrialisés. Non seulement doivent-ils
clairement démontrer leur position par rapport à de tels enjeux (afin de se faire élire) mais ils doivent aussi établir le cadre à l’intérieur duquel de telles pratiques pourront s’exercer dans leur pays (à ce sujet, il est très amusant de constater comment George W. Bush se réfugie dans l’éthique afin de justifier le financement par l’état de la recherche sur les cellules souches) en plus d’être à l’affut du cadre politique dans lequel se détermine cet exercice dans les pays concurrents.
Qu’on le veuille ou non, l’éthique n’est pas un idéal : la légitimité d’une norme morale varie en fonction des intérêts d’un pays. Pendant que les États-Unis font semblant d’encadrer la pratique du clonage, et que je me demande encore si je vais continuer ou non de travailler dans mon entreprise de recherche en génétique médicale, l’Inde s’est doté de politiques qui en favorisent le financement privé tandis que la Chine en commercialise déjà la pratique sur le Web.
La morale à un prix, mais à quel prix?