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Hommes, femmes et leadership

Les styles de leadership masculin et féminin sont-ils identiques ? 3 approches pour répondre : les genres; la situation et le système.

Publié le 6 minutes de lecture
Hommes, femmes et leadership - kinaze
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Table des matières

La gestion des organisations au XXIe siècle (2 de 3)

Les styles de leadership masculin et féminin sont-ils identiques ?

L’efficacité du leadership est déterminé par l’utilisation d’un style de gestion spécifique dans une situation déterminée. Le travail du gestionnaire moderne est d’observer la systémique de l’organisation et les variables situationnelles de l’environnement afin de mettre en place des méthodes favorisant l’efficacité de son leadership, c’est-à-dire son pouvoir d’influencer positivement les autres. Tel que mentionné précédemment, il n’est pas assuré qu’un même style de gestion produise les mêmes effets dans des situations différentes. La question est maintenant de savoir si les femmes utilisent leur pouvoir d’influence de la même façon que les hommes. Il existe essentiellement trois approches distinctes afin d’expliquer les différences entre le leadership masculin et le leadership féminin:

  • l’approche des genres;
  • l’approche situationnelle et;
  • l’approche systémique.

Genre masculins et féminins

L’approche des genres se base sur la différence des comportements des hommes et des femmes qu’elle place en opposition. Son fondement est de présenter les comportements féminins et masculins soit comme étant supérieurs ou comme étant inférieurs. Un comportement masculin serait axé sur l’accomplissement dans les tâches, la structure et le pouvoir alors qu’un comportement féminin serait axé sur la considération, la participation et la dimension relationnelle du travail (Applebaum, 2003). Selon Van Daele (2003), les féministes pensent que les différences entre les comportements masculins et féminins jouent en faveur des femmes et qu’une faible proportion de femmes dans une organisation nuit au bon fonctionnement de celle-ci, surtout dans le contexte transformationnel et participatif de l’entreprise moderne. À l’opposé, les hommes (et même les femmes) pensent qu’un chef doit posséder des traits essentiellement masculins (même s’il adopte des comportements féminins) et que les femmes ne possèdent pas les capacités nécessaires pour diriger.

Il faut faire attention de ne pas tomber dans les préjugés et les stéréotypes sexuels lorsqu’on dit que les comportements masculins et féminins sont différents. La différence des comportements masculins et féminins ne proviendrait pas de différences biologiques et sexuelles. Selon les recherches académiques, il y aurait très peu de différences entre les habiletés innées des hommes et des femmes pour le leadership (Van Engen, van der Leenden & Willemsen, 2001; Oakley 2000), ou du moins l’importance de ces différences serait minime (Powell, 1990). Un comportement définit comment une personne agit, mais ne saurait définir comment la personne est : un homme peut avoir des comportements féminins et une femme, des comportements masculins. En ce sens, plusieurs écoles de pensée parlent d’un style de gestion androgyne selon lequel un homme ou une femme peuvent choisir d’adopter un style de gestion féminin ou masculin, en fonction des besoins du contexte. Il n’est cependant pas clair de savoir si, pour une même situation, le choix du style le plus approprié est le même pour un homme et pour une femme.

Une méta-analyse de 45 études sur les styles de leadership transformationnel, transactionnel ou de laisser-faire a tenté de répondre à cette question (Eagly, Johannessen-Schmidt et Van Engen, 2003). Les conclusions de cette étude sont très intéressantes, car elles mettent en lumière des différences entre les styles de gestion des hommes et des femmes.

  1. Premièrement, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à adopter des styles de gestion transformationnelle. De plus, elles sont plus enclines que ceux-ci à utiliser un mode de récompenses lorsqu’elle s’engage dans un style transactionnel.
  2. Deuxièmement, les hommes sont plus nombreux que les femmes à utiliser un style de laisser-faire. De plus, ils sont plus portés que celles-ci à mettre l’emphase sur les problèmes ou à attendre passivement que les problèmes adviennent lorsqu’ils adoptent un style transactionnel.

Puisque les styles de gestion où les femmes dominent les hommes sont en corrélation avec l’efficacité du leadership, et que les styles de gestion où les hommes dominent les femmes n’ont pas d’influence ou ont une influence négative sur l’efficacité du leadership, il semble que les différences observées soient en faveur des femmes.

Les variables situationnelles

L’approche situationnelle met l’emphase sur le fait que les différences observées entre le leadership masculin et féminin sont surtout influencées par la situation différente des hommes et des femmes au travail. Si, par exemple, on juge un supérieur en tant que son subordonné, on aura tendance à favoriser des valeurs « féminines » comme la considération ou la coopération, alors que si on juge un employé en tant que son supérieur immédiat, on aura tendance à favoriser des valeurs « masculines » comme la structure et l’orientation des tâches (Cann & Siegfried, 1987). Le fait qu’en 2008, les femmes ne soient que 15,1% à occuper les échelons supérieurs des 500 plus grosses organisations américaines (Catalyst, 2008, para. 4) leur confère une différente perspective organisationnelle que les hommes. Il n’y aurait « pas de différences fondamentales entre le leadership des hommes et des femmes, mais plutôt une adaptation du style adéquat à une situation particulière». (Van Daele, 2003, p.3).

Puisque les femmes ont longtemps occupé des postes qui reléguaient leur pouvoir d’influence aux bas échelons de l’organisation, il est probable qu’elle soit encore aux prises avec des stéréotypes d’entreprises voulant qu’elles possèdent peu d’aptitudes au leadership, même lorsqu’elles accèdent aux échelons supérieurs de l’organisation. Le terme de « plafond de verre » a été introduit par Kanter en 1977 pour dénommer les obstacles invisibles, liés à la culture masculine des entreprises, qui ralentissent la progression de femmes dans les organisations (Renaud-Boulart, 2005).

Il semble que l’application du même style de gestion dans une situation déterminée pourrait ne pas avoir les mêmes effets pour un homme et pour une femme. C’est peut-être ce qui explique le fait qu’un comportement féminin puisse être jugé comme un signe de faiblesse lorsqu’il provient d’une femme et qu’il passe inaperçu lorsqu’il provient d’un homme. De plus, les femmes doivent souvent faire preuve de comportements plus masculins lorsqu’elles veulent s’intégrer à un milieu de travail masculin. La situation historique des femmes au travail les oblige à perfectionner des styles de leadership transformationnel, ce qui leur confère peut-être un avantage sur les hommes lorsqu’elles doivent adopter de telles stratégies.

Un système avant tout

L’approche systémique bonifie l’approche situationnelle en mettant l’emphase sur le fait que toutes les différences peuvent contribuer positivement à l’organisation : il n’y a pas un genre meilleur que l’autre, mais plutôt des systèmes et des situations qui nécessitent des comportements particuliers. « Directif, participatif, adaptatif… en théorie le style de management adopté par un responsable correspond d’abord à la culture de l’entreprise et au secteur d’activité. Hommes et femmes doivent se plier à ces exigences avant de laisser s’exprimer leur personnalité avec leur équipe » (Aufeminin.com, 2007, para. 1).

Il est intéressant de constater que la gestion autocratique, fonctionnelle et hiérarchique de l’entreprise verticale traditionnelle nécessite un style plus « masculin » alors que la gestion participative, humaine et centrée sur l’équipe de l’entreprise moderne nécessite un style plus « féminin ». Puisque le pouvoir l’entreprise postindustrielle est démocratique et qu’il s’est propagé à tous les échelons de l’organisation, le gestionnaire moderne agi plus comme conseiller que comme chef : il tient compte des besoins des membres de son équipe, les fait participer à l’élaboration des tâches, s’assure qu’ils conviennent de l’atteinte d’objectifs précis, élimine les obstacles afin de faciliter leur travail, leur offre un soutien moral constant, tout en favorisant l’autocontrôle.

L’image a été prise sur le site de pharaon1989 et manipulée par kinaze.

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