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Le déclin du Web et la montée des applications

L'argument central de l'auteur est que la part de marché du Web est en déclin au profit des applications mobiles et nomades et que le Web est mort. Vive Internet!

Publié le 8 minutes de lecture
Table des matières

Pour ceux qui ne le savent pas encore, le Web est mort la semaine passée. Il est mort très jeune ce bon vieux Web, d’une mort à répétition comme on en voit souvent dans Six feet under ou bien dans les manchettes de BBC. Chris Anderson a annoncé son décès dans un article intitulé « The Web is dead, long live the Internet« . L’argument central de l’auteur est que la part de marché du Web est en déclin au profit des applications mobiles et nomades (sans oublier les vidéos de YouTube).

En fait, tout se passe un peu comme dans le bon vieux temps, lorsque des visionnaires un peu excentriques ont annoncé le remplacement de la télé au profit des sites Web. Et que les stratèges publicitaires se sont empressés d’essayer de convaincre leurs clients qu’il fallait maintenant investir dans le Web, que le Web c’était  le futur, et qu’il ne fallait pas passer à côté de cette opportunité. Il faut dire qu’avec la rapidité avec laquelle le Web 2.0 a fini par être compris du grand public, le Web a peut-être la chance de ressusciter trois fois avant que les entreprises comprennent qu’il soit mort…

Mais tout d’abord, même si on ne peut pas nier la montée de la popularité des applications P2P telles que celles proposées par Facebook ainsi que la popularité des téléphones intelligents comme le iPhone, il est nécessaire de mettre en contexte le parti pris d’Anderson pour interpréter les tendances du graphique sur lequel il se base pour annoncer la mort du Web. À cet égard, le site de boingboing.net propose un excellent article sur son site : « Is the Web really dead? ».

La différence entre Web et Internet

Le Web et l’Internet, ce n’est pas la même chose? Voilà en gros une des premières questions que se posent bien des gens lorsque je leur parle de tous les changements qui bouleversent actuellement le monde numérique. Eh non, ce n’est pas la même chose!

L’internet est un réseau mondial d’ordinateurs interconnectés dans lequel tous les ordinateurs peuvent communiquer en utilisant des protocoles pour faciliter la transmission des informations.

Le Web (world wide web, www) est une façon de se connecter sur l’Internet qui utilise le protocole HTTP (la fameuse adresse de votre site Web) afin de transmettre des données dans des fureteurs Web comme Explorer, Firefox, Chrome, Safari, etc.

L’internet, c’est le réseau, et le Web, une des façons de se connecter au réseau.

Le déplacement du Web vers les applications

Traditionnellement, les informations commerciales sur Internet sont partagées dans un site Web. On se connecte sur Internet pour visiter des sites Web. On cherche sur Google pour trouver des sites Web. On utilise Explorer pour surfer sur Internet, passant d’un site Web à un autre. On peut ainsi accéder à des informations comme du texte, des images, des vidéos, etc.

L’arrivée des téléphones intelligents comme le blackberry ne change pas vraiment le Web, mais change complètement la façon dont nous consultons le Web. Au lieu d’y accéder par un fureteur on y accède maintenant par l’écran de notre téléphone ubiquitaire. Avec le Web ubiquitaire, le Web commence cependant à sortir de l’Internet et il entre dans nos vies.

Au tout début cependant, il faut comprendre que c’est bel et bien le Web qu’on consulte sur son téléphone (ce téléphone doit d’ailleurs d’abord être connecté à un réseau cellulaire avant de pouvoir se connecter sur le réseau Internet, moyennant des frais qui demeurent encore à ce jour exorbitants).

Et cette consultation est très pénible, car la plupart des sites ne sont pas optimisés pour de petits écrans, les boutons interactifs ne fonctionnent pas tout le te temps, les mises en pages sont brisées, etc..

Les applications d’Apple

Le Web n’est pas intéressant sur un mobile. Il y est même franchement ennuyant. Qui veut s’ennuyer à naviguer sur le Web son téléphone portable? Bien sûr, c’est nécessaire si on a besoin d’une information importante qu’on a oublié de prendre en note en consultant le Web avec son portable, mais sinon à quoi bon perdre son temps?

C’est Apple qui a le mieux compris ce problème d’incompatibilité entre le Web et le téléphone intelligent. La réponse à ce problème? Créer des applications ultras conviviales qui permettraient aux utilisateurs de trouver rapidement des informations utiles, sans nécessairement passer par le Web, mais en utilisant le support d’Internet pour interroger des bases de données.

Il est important de répéter cette nouvelle stratégie. Avec le iPhone, ce n’est plus le Web qui est utilisé pour accéder à Internet, mais ce sont des applications.

Perception, after all, is everything: many apps are to the Web as bottled water is to tap — an inventive and proprietary new way of decanting, packaging and pricing something that could once be had free. (The Death of the open Web, New-York Times)

Les applications de Facebook

Pendant ce temps, et dans un tout autre lieu, le Web 2.0 métamorphose le paysage du Web. Voilà qu’un site Web n’est plus seulement un amalgame de texte, d’images et de son, mais qu’il est un lieu collaboratif ou les internautes peuvent collaborer afin de bonifier les informations qu’ils consultent. Ce virage collectif du Web, c’est probablement Facebook qui l’a mieux compris en remettant à l’avant-plan les outils collaboratifs du P2P avec ses applications tous plus virales les unes que les autres.

Le génie de Facebook a été de remettre à la mode et d’actualiser des protocoles Internet déchus comme Usenet, la messagerie instantanée, les newsgroup et d’en permettre l’utilisation via des applications qui se greffent subtilement sur le Web.

C’est ainsi que le Web n’est plus vraiment du Web et qu’il se transforme lentement en une couche d’applications par-dessus le Web, dont les données transitent par Internet. Pour compliquer les choses, les informations de ces applications sont tout aussi mobiles que les téléphones intelligents et peuvent se déplacer d’un site Web à un autre, d’un téléphone à l’autre, d’une plateforme à une autre pourvu que les protocoles soient respectés et que le réseau Internet soit ouvert. Puisque, par exemple, je pousse mon flux d’informations de Twitter sur Facebook, les gens qui sont sur Facebook ont l’impression que j’y passe beaucoup de temps alors qu’en fait je n’y suis pas. Être et ne pas être.

Un monde ouvert, un monde fermé

Un des enjeux importants de ce déplacement du Web est le changement de paradigme qu’il implique. Alors que le Web est réputé pour l’ouverture de son système d’information, les développements des applications se font en systèmes clos.

Over the past few years, one of the most important shifts in the digital world has been the move from the wide-open Web to semiclosed platforms that use the Internet for transport but not the browser for display (The Web Is Dead. Long Live the Internet, Wired).

Tout le monde a accès au code source du Web et peut s’en servir comme bon lui semble (en autant d’agir en accord avec les conditions d’utilisation), mais seules les entreprises privées ont accès à la source du code de leurs applications. Ce changement de philosophie est d’ailleurs discuté de fond en comble dans un débat à propos de la mort du Web, toujours sur Wired.

L’avantage majeur des systèmes fermés est la sécurité. Les développements d’un système fermé sont organisés systématiquement pour répondre à des stratégies d’affaires précises. Les bogues sont éliminés de façon systématique afin d’assurer la fluidité des applications, si chère au Web 2.0. Puisque le système est fermé, les risques de piratage sont aussi beaucoup moins grands. Ne contribue pas au système qui le veut. À cet égard, le contrôle d’Apple qui a le pouvoir d’approuver ou de désapprouver les applications de son système d’opération est légendaire. Mais il faut aussi ajouter que la garde des des pares-feu de Microsoft a souvent été démolie par le passé par une série d’attaques tous plus ingénieuses les unes que les autres…

Le principal danger des systèmes fermés est le manque d’innovation. Historiquement, c’est souvent par la collaboration, la liberté et le choc des idées que l’innovation advient. À trop longtemps évoluer dans un système fermé, on en vient à oublier les menaces et les opportunités de l’environnement externe et on finit par gérer l’innovation comme un fonctionnaire syndical qui gère des griefs. Or l’histoire industrielle de la passation d’un monde ouvert à un monde fermé est le moteur de l’humanité : c’est l’histoire de notre capitalisme.

Toujours est-il qu’il est important de comprendre que nous sommes présentement à cheval entre ces deux périodes. L’ébullition créatrice d’un monde ouvert qui a amené l’innovation percutante de systèmes fermés comme le iPhone d’Apple ou les applications de Facebook. Et il y a peut-être un danger de stagnation à l’horizon. Ou des bonnes opportunités d’affaires.

Paradoxalement, le fameux monde collaboratif du Web 2.0 a atteint sa maturité dans un monde fermé, anticollaboratif. Une belle subversion.

À la lumière de ces observations, j’essaierai maintenant de comprendre si ça vaut toujours la peine d’investir dans un site Web pour son entreprise. J’en parlerai d’ici la semaine prochaine.

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