Gestion du contrôle en entreprise
Quand on travaille en équipe on est redevable de nos performances aux yeux de ses membres et c’est en fait l’équipe qui sert de contrôle.
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Quand on travaille en équipe on est redevable de nos performances aux yeux de chacun de l’équipe et on accepte d’être conseillé par les membres de cette même équipe, et c’est en fait l’équipe qui sert de contrôle, et ainsi de suite.
Cette affirmation qu’a fait Juliette Delrieu dans un forum de discussion sur le contrôle en entreprise, met bien en évidence le pouvoir attractif des méthodes de contrôle basé sur l’engagement des employés. Contrairement aux systèmes de contrôle plus traditionnels comme le contrôle par diagnostics (mesurer et quantifier les écarts par rapport aux objectifs), le contrôle par lignes directives (déterminer l’ensemble des règles à suivre) ou le contrôle par interactions directes (un supérieur qui évalue son subalterne) les systèmes de contrôle basés sur l’engagement sont rapides, faciles à déployer et font appels à l’intelligence collective d’un groupe d’individus. L’autorité de ces systèmes ne découle plus d’une relation hiérarchique employé-patron, mais fait appel à l’autocontrôle, à l’autoévaluation et à l’esprit d’équipe.
Le contrôle de l’engagement?
Peut-être qu’un des dangers au renforcement des systèmes de croyances des employés et des valeurs de leur équipe de travail est de sombrer dans l’idéologie. Une croyance idéologique est potentiellement dangereuse, car elle n’est pas raisonnable, mais elle peut servir à justifier des actes déraisonnables. « Enron, par exemple, fut nominé six années consécutives par le magazine Fortune comme étant la compagnie la plus innovatrice des États-Unis, avant de devenir le symbole scandaleux d’une gestion institutionnelle frauduleuse et corrompue » (kinaze.org, 2008, para.7). Est-ce que la personne qui aurait pointé du doigt les gestionnaires de l’entreprise avant que le scandale n’éclate se serait fait beaucoup d’amis dans l’entreprise? En ce sens, je pense qu’il est primordial qu’une approche d’autocontrôle, fondée sur le renforcement des valeurs collectives d’un groupe de travail se dote de mécanismes de contrôle afin de ne pas faire sombrer l’organisation dans une logique idéologique déraisonnable. Ce n’est pas parce que les systèmes de contrôle traditionnels comportent plusieurs faiblesses qu’il ne faut plus les utiliser.
D’autre part, le pouvoir d’engagement d’une équipe de travail peut s’avérer dangereux lorsque l’équipe décide de boycotter les idées d’un de ses membres, car elles vont à l’encontre du groupe. L’entreprise doit se doter d’autres outils que des abstractions comme « un employé ne cadre pas dans le groupe » si elle veut progresser. Laisser les employés décider par eux-mêmes de la pertinence ou de l’impertinence d’un collègue de travail peut mener à des désastres idéologiques. À cet égard, le film Full metal jacket de Stanley Kubrick présente un groupe de marines qui s’entraînent afin de devenir des machines de guerre. L’un des membres du groupe, incapable de faire face à la pression d’une telle mission, devient le bouc émissaire de son équipe et finit par tuer un de ses coéquipiers avant de se suicider en se tirant une balle dans la tête. L’autocontrôle au sein d’une équipe de travail peut subversivement finir par favoriser l’autocratie et aller à l’encontre de l’approche participative de l’entreprise moderne.
Il est dangereux que tous les membres d’une équipe de travail soient toujours du même avis. L’entreprise moderne a besoin d’innovations pour pouvoir être compétitive. L’innovation n’advient pas dans un contexte organisationnel où tout le monde pense la même chose. Elle advient avec le choc des idées, bonnes ou mauvaises. Lorsque quelqu’un n’est pas d’accord avec ce que je dis, ça me permet de mieux comprendre le fondement et la pertinence de ma pensée. Me regrouper avec mon équipe pour éliminer celui qui ne pense pas comme moi relève du Moyen-âge, de la chasse aux sorcières ou de la colonisation espagnole des Amériques.
Gestion des ressources humaines
Les concepts de contrôle organisationnel et de l’engagement des membres d’une équipe mettent bien en évidence la responsabilité qu’ont les ressources humaines de bien choisir les employés. C’est peut-être un concept très Web 2.0, mais je pense que les organisations qui comprendront qu’on ne choisit pas seulement les employés en fonction de leurs compétences, mais plutôt pour leur apport à la synergie du groupe de travail seront des entreprises qui se démarqueront. Dans une économie globale en changements perpétuels, et dans un contexte de décloisonnement horizontal, il est clair que pour survivre, un employé doit pouvoir utiliser un éventail de compétences de plus en plus grand. Or il y a des limites au nombre de changements et de connaissances qu’une personne peut absorber.
La gestion des ressources humaines s’occupe non seulement de la formation et de l’habilitation de ses employés, mais se préoccupe aussi de leur complémentarité et de leur influence sur l’organisation. La question n’est pas de savoir si une personne possède toutes les qualités de la liste d’un poste à combler, mais si elle peut compléter adéquatement un groupe de travail et en améliorer l’efficacité. Des indicateurs pourraient être déterminés afin de mesurer l’amélioration d’une équipe de travail plutôt que de s’arrêter tout simplement à l’embauche du meilleur candidat.
Gestion des connaissances
Il est absolument nécessaire que l’organisation se donne des méthodes afin de contrôler la formation et l’actualisation des connaissances de ses employés. Je travaille dans une organisation qui fait la promotion de la formation. Un pourcentage de mon salaire est redistribué dans un fond de perfectionnement collectif destiné à tous les employés de l’organisation. C’est ainsi que je peux assister à toutes sortes de colloques et de formations qui enrichissent mes compétences et qui me motivent à bien performer dans le cadre de mes fonctions. Je suis chanceux, car mon employeur a mis en place des politiques de perfectionnement institutionnel et je n’ai pas à me battre pour m’éduquer (contrairement à bien d’autres collègues), mais je pense que les entreprises doivent aller encore plus loin.
Dans la plupart des programmes de formation organisationnels, l’employé décide s’il veut ou non se former. Une organisation devrait gérer de façon un peu plus serrée la fréquence des formations de ses employés et coacher ceux-ci afin de les aider dans leur processus de perfectionnement. Les entreprises pourraient se doter de conseillers en perfectionnement, dont l’importance serait non seulement d’orienter les employés, mais de mieux comprendre l’influence de ceux-ci sur l’orientation globale de l’organisation.
Gestion du changement
Dans un article précédent, j’ai discuté du changement, et des étapes afin de gérer convenablement le changement. À mon sens, ce n’est pas la gestion du changement qui est problématique, mais la fréquence à laquelle une organisation peut faire des changements. Trop de changements mènent les employer au surmenage professionnel alors que trop peu de changements contribuent à la faillite d’une entreprise. Les organisations qui se donneront des normes pour mesurer le rendement des changements et qui comprendront l’équilibre optimal des changements que l’organisation peut absorber préserveront leur capital humain tout en maximisant leur compétitivité.
Les changements se manifestent non seulement au niveau de l’organisation, mais aussi au niveau des employés. Le travail des employés change avec leur expérience. Ne pas se préoccuper d’alimenter cette transformation par la mise en place de nouvelles responsabilités et d’incitatifs monétaires mène inévitablement au départ des bons employés. Dans une économie de savoir, perdre un bon employé est très couteux. Surtout si le réseau organisationnel pour collaborer et partager l’information laisse à désirer.
Et la qualité?
Qu’est-ce que la qualité? Quels sont les indicateurs de qualité d’une équipe de travail? Est-ce que l’équipe est à l’aise avec ces indicateurs? Dans un contexte où le contrôle basé sur l’engagement est de plus en plus populaire et que l’autocontrôle confère de plus en plus de pouvoir aux employés, il est nécessaire de mettre en place des processus qui assurent la cohésion d’un groupe par rapport à des normes de qualité. La qualité n’est pas seulement une affaire de client externe ou de contrôle traditionnel pour atteindre une norme. La qualité advient au sein même d’un groupe ou d’une organisation. Plus fondamentalement, elle est l’adhésion et la participation du groupe à la mise en place d’un système de valeur de la performance.
Je pense que le plus gros changement des organisations du XXIe siècle est de faire entrer le client à l’intérieur même de l’organisation. La dimension entrepreneuriale de l’entreprise moderne favorisera de plus en plus le fait de considérer les coéquipiers de travail comme des clients. Les membres d’une équipe de travail ne sont plus seulement des coéquipiers; ils sont aussi des clients qui oeuvrent dans un réseau d’échanges perpétuel de services et de conseils. L’employé respecte ses coéquipiers de la même façon qu’il traite ses clients.
Le travail d’équipe comporte une dimension contractuelle dont le contrôle n’est pas à négliger. L’organisation est aux prises avec des bris de synergie très coûteux lorsqu’un de ses membres juge qu’il n’est pas aidé convenablement par un coéquipier. Il ne faut pas sous-estimer l’importance d’éduquer les employés quant à la satisfaction des clients internes de l’entreprise, tout en mettant en place des processus de rétroaction visant à mesurer et à améliorer les offres de service. Le pouvoir de l’engagement perd tout son sens si les équipes n’ont pas conscience de l’influence de leur travail sur les autres équipes.
Le poster du film Full metal jacket de Stanley Kubrick provient du site moviewallpapers.net.